Encore une bonne douzaine de casiers à bouteille à trier, sans compter les tonneaux stockés à la hâte dans la cave. A goûter, devrais je dire ! C’est bien joli la rapine, mais autant savoir ce que l’on vole…
Comme tous les soirs, la taverne est pleine. Comme tous les soirs, ça boit, ça fume, ça joue, ça s’engueule. Ce soir, pourtant, personne ne s’est encore battu pour un dé pipé, une carte dans la manche ou tout autre chose bénigne qui fait que tout s’embrase sans qu’on en connaisse vraiment l’origine et dont on ne se souvient plus le lendemain, comme pour mieux recommencer.
Le franc tireur commençait à accuser le coup. Je n’étais pas bien plus frais que lui, mais tachais de faire bonne figure. J’allais le rattraper par le col, afin d’achever notre besogne quand je le vis entamer une danse de crabe en direction d’un petit groupe agglutiné vers l’entrée.
Si ma vue baisse considérablement à la fréquentation de ce lieu, il n’en va pas de même pour mon odorat.
Devant l’huis de l’auberge, se dresse une silhouette inconnue, qui d’ici me parait féminine, mais je n’en jurerais pas. L’accompagne, un arôme de merise gâté par des miasmes. Ça, j’en suis sûr et ce dont je suis encore plus certain c’est que j’aime pas l’odeur acidulée de ce petit fruit dont on ne tire aucune eau de vie potable.
L’ourson vient de lâcher un retentissant –« Le premier qui renverse les bouteilles vides!! »
Un sac de tête tombe, puis deux…
Finalement, je préfère une bonne bagarre. J’essaie de leur lancer –« Qui c’est qui nettoie après ? »
Trop tard! L’étrangère jette un crâne sur une table encombrée de bouteilles. Il s'écrase au centre, aucune ne tombe. Joli coup!
Rono en empoigne un autre, enfonce ces griffes dans les orbites comme on saisit une boule de bowling et l'envoie...
Carreau! La première tête gicle, l'hémoglobine jaillit, se repend sur le plancher, un morceau d'occiput s'abat contre un mur. Une bouteille a vacillé, mais c'est tout.
Le jeu vient de commencer…