Où s'en vont les dragons

La lune brille dans le ciel, pleine, comme un œil d’une créature venu d’un autre temps, d’un autre lieu. Je ne peux pas dormir. Couché sur le toit de ma demeure, je rends le regard à cet être venu d’ailleurs. Depuis le début de la soirée, mon sang bouille à m’en faire péter les artères. Un appel sourd, le bruit régulier d’un tambour qui résonne au fond de moi, qui me pousse à quitter la plénitude de mon campement, la compagnie de mes frères.

Il est une heure du matin, je n’en peux plus. Ma pioche brille de plus en plus, mon amulette dégage une chaleur que je ne connais que trop bien. Elles doivent toutes les deux êtres assouvis. Il leur faut du sang et à moi aussi si je veux trouver le sommeil. Mais ce soir, je vais devoir me contenter de sang de démons. Il est tard et je ne veux pas passer une nouvelle nuit sur les routes.

Je jette un dernier regard à cet œil qui n’a pas bougé, me lève et saisis mon amulette. Elle me brule le torse, même à travers mes vêtements. J’enfile mon casque et prends ma compagne de toujours, rouge, luisante et insatiable. Je sors de mon antre, respire à pleins poumons, jette un regard sur les autres demeures et prends le chemin de la grotte, ce repère à démons. Ils doivent dormir maintenant et je vais me faire une joie de les réveiller, ils n’en seront que plus voraces.

J’avance à travers les arbres et je ressens avant de l’entendre qu’il se passe quelque chose d’anormal dans ce lieu où je me rends si souvent. Quelqu’un est arrivé avant moi… Non… Ils sont trois. Ma pioche tremble de désir, mon amulette me tire, même si ce n’est pas nécessaire. Je pousse un cri de rage, d’envie et plonge dans le trou noir. Je me fais projeter en arrière, abouti contre un mur qui a l’effet d’un ressort. Je comprends très vite que mes adversaires sont de taille, ce qui ne fait qu’amplifier ma force. Ma pioche s’abat une première fois et transperce une armure en 3 points. J’entends un bruit sur le côté et une lame me repousse de mon premier adversaire. Qu’importe, celui-ci fera autant l’affaire. Ma pioche s’abat à nouveau sur une armure, éclairée dans le même temps par 3 boules bleues que je ne peux éviter mais dont l’auteur reçoit mon point gauche en pleine figure. Deux paladins et un aquamancien. Du rouge colore leurs armes : deux royalistes et un royaliste qui se dit brigand. Un traitre, rien de plus.

A peine ai-je le temps de cette analyse, d’attendre le prochain coup à remettre que je sens une main m’agripper dans mon dos et me tirer dans un coin plus sombre de la grotte. Je me sens vaciller, un nouvel éclair bleu me frappe, je vois les visages de mes adversaires soulagés, et je perds pieds. Je respire cette odeur fétide, ressens une vive douleur dans l’épaule et parcours intérieurement le trajet du venin jusqu’à mon cœur.

Dans un dernier sursaut de conscience, je vois cet œil, cette créature qui n’a pas perdu une miette du spectacle, témoin de la lâcheté de ces êtres insignifiants. Je voulais du sang, j’ai eu le mien, je voulais un combat de guerriers, on me l’a refusé. Mes pensés se tournent vers les personnes qui ont marquées mon histoire sur cette terre, amis ou ennemis. Vers ces personnes qui se battaient pour un idéal, vers ces personnes qui savaient respecter un guerrier noble quel qu’il soit et qui savaient lui offrir une fin digne de son rang. Vers ces guerriers disparus maintenant justement à cause de leurs idées et je comprends enfin pourquoi. Des rires de plus en plus lointains me parviennent. Des rires d’où l’on sent encore la peur qui avait habitée leur propriétaire quelques instants auparavant. Mes yeux se ferment et je rejoins cette longue lignée de combattants qui s’éteint petit à petit de ce côté-ci du ciel mais qui ne fait que grandir de l’autre côté...

Il est tôt, le soleil commence à se lever, j'observe au loin dans les montagnes un oiseau se diriger vers moi, il porte un morceau de papier, surement une lettre d'Orax, m'annonçant qu'il me rejoindra bientôt afin de faire couler un peu de sang !

Je réceptionne ce volatile, lui donne une poignée de graine pour qu'il reprenne des force, me saisie de l'enveloppe et l'ouvre en faisant attention de ne pas trop abimer le cachet.

Code:

Cher combattant,

Un incident s'est produit cette nuit, dans la fameuse et dangereuse salle pestilentielle, votre ami et maitre en matière de combat, allant se battre contre quelques un de ces démons s'est fait attaquer par un trio de royalistes, ou plutôt, deux combattants portant l'insigne royalite et un autre, ayant changé de camp pour exercer son pouvoir au service de lui même, mais se comportant de la même manière que ses confrères en armure rouge...
D'après les faits, le combat se déroulait plutôt bien, Orax parvenait tant bien que mal à repousser ses ennemis, quand un serpent l'attrapa à la gorge et lui injecta son venin mortel...
Les témoins, trois vendeurs, prétendent avoir vu un des trois combattants le pousser dans la direction de cette bête. Les trois assassins ont été identifiées, les deux royalistes étant des puissants combattants au service de la religion et le troisième un magicien maitrisant l'eau...

Nos sincères condoléances.

Je lis ces quelques lignes, une larme coule le long de ma joue, je regarde en direction du ciel avant de crier le nom de mon maitre et de tomber en arrière, m'assommant contre le barreau de mon lit.

[...]

Plusieurs heures ont passées, la lumière du pelage de Sensei, mon phénix me réveille, sans réfléchir, je me lève, me dirige vers l'armurerie, démolissant chaque meuble de chaque pièce. J'équipe ma cuirasse, mes solerets, regarde longuement mon amulette avant de l'enfiler autour de mon cou, Je prends mon sabre et ma hachette, mets mon heaume et me dirige vers la sortie de la hutte.

J'aperçois un exilé à qui je promets une bourse s'il me donne des infos sur la position d'un des combattants que je recherche. Il m'apprend que le mage noir en question était à deux pas d'ici, qu'il rentrerait bientôt de chasse...

Après quelques minutes d'attente, j'entends des bruits, l'air se refroidit, mon ennemi n'est pas loin, une haine commence à envahir mon corps, j'aperçois ma future victime... C'est donc lui, un aquamancien ayant tenté de mettre fin à mes jours il y a plusieurs mois...
Pris de rage, je lance mes armes à terre et saute sur mon adversaire, plante une première fois mes griffes dans son bras gauche avant de me faire repousser par trois projectiles. Je me relève, ma rage s'intensifie, je saute à nouveau sur mon ennemis puis plante mes griffes cette fois si dans son abdomen, puis dans le cou, le laissant agoniser au sol, savourant ce début de vengeance...

"Une erreur est pardonnable, mais pas celle ci, vous vous êtes attaqués à la mauvaise personne... Tous, qui que vous soyez, autant que vous soyez, vos amis, votre famille, tout le monde subira ma vengeance..."

Je m'enfuie vers les lieux les plus fréquentés, à la recherche d'ennemis pouvant apaiser ma rage en laissant couler leur sang sur le sol de ces terres...